494 pages. June 2025. World rights available.
Dans une forêt du Massachussetts, un poids cogne sourdement le fond d’un étang sous la glace. Non loin de là, sur la rive d’un autre étang, un père et son fils jouent du cor et écoutent le son qui se répand sur la surface brumeuse de l’eau. En Russie post-soviétique, deux hommes progressent sur un lac gelé, dans l’espoir d’entendre les cloches d’une ville engloutie. Sur une base de l’île de Ross, en Antarctique, des chœurs bulgares et des synthétiseurs modulaires résonnent sous la calotte glaciaire. À l’opposé polaire, au fond de l’Océan Arctique, un quatuor à cordes joue un hymne épiscopalien sur le pont d’un navire, pendant qu’à Gand, un autre quatuor relaie les échos du naufrage. Ces scènes font émerger un motif dans nos expériences sonores de l’environnement : celui du geste qui consiste à sonder le monde.
La pandémie récente a accéléré notre rapport schizophonique à la réalité. Face aux mutations profondes de notre paysage acoustique, devons-nous nous méfier des présences sonores qui nous rassurent et nous connectent, en toute virtualité ? À travers et par l’écoute, la question de la consistance du réel peut encore se poser, question dont les enjeux sont aussi bien philosophiques qu’écologiques. Ce livre propose d’étudier comment y répondent les arts de l’écoute - qu'elle se compose, s’appareille, s’écrive ou se raconte –, quand ils prêtent attention aux sons que rend le monde.
Pauline Nadrigny est philosophe, spécialisée en esthétique et maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (PhiCo/CEPA). Après une thèse consacrée au concept d’objet sonore, axée sur la pensée de Pierre Schaeffer, ses recherches portent sur les musiques contemporaines et expérimentales, abordées sous divers aspects : statut des écrits d’artistes, relation entre pensée musicale et philosophie, mutations de l’écoute et de ses pratiques, paysage sonore et écologie acoustique… Elle est également musicienne et compose en duo sur de nombreux films muets, en solo, sous le nom de Lodz, des chansons traversées de perturbations électroniques, mêlant texte, pianos désaccordés, citations musicales et field recording. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la philosophie et aux arts sonores : Musique et Philosophie au XXe siècle : Entendre et faire entendre (Classiques Garnier, 2015), The Most Beautiful Ugly Sound in the World : à l’écoute de la noise, avec Catherine Guesde (MF, 2018), Le Voile de Pythagore (Classiques Garnier, 2021), L’écho du réel (Mimésis, 2021).
In a forest in Massachusetts, a weight thuds dully against the bottom of a pond beneath the ice. Not far away, on the shore of another pond, a father and son play the horn and listen as the sound spreads across the misty surface of the water. In post-Soviet Russia, two men walk across a frozen lake, hoping to hear the bells of a sunken city. At a research base on Ross Island, Antarctica, Bulgarian choirs and modular synthesizers resonate beneath the ice sheet. At the opposite pole, deep in the Arctic Ocean, a string quartet plays an Episcopalian hymn on the deck of a ship, while in Ghent, another quartet relays the echoes of the wreck.
These scenes reveal a recurring motif in our sonic experiences of the environment: the act of sounding the world.
The recent pandemic has intensified our schizophonic relationship to reality. In the face of profound changes to our acoustic landscape, should we be wary of the comforting and connective—yet entirely virtual—sound presences that surround us? Through listening and by listening, the question of the consistency of reality still arises—a question with both philosophical and ecological stakes.
This book explores how the arts of listening—whether composed, equipped, written, or narrated—respond to that question when they attune themselves to the sounds the world makes.
Pauline Nadrigny is a philosopher specializing in aesthetics and a lecturer at the University of Paris 1 Panthéon-Sorbonne (PhiCo/CEPA). Following a PhD focused on the concept of the sound object, centered on the thought of Pierre Schaeffer, her research explores contemporary and experimental music from various angles: the status of artists' writings, the relationship between musical thought and philosophy, transformations in listening and listening practices, soundscapes, and acoustic ecology.
She is also a musician and composes both in duo for numerous silent films and solo under the name Lodz, creating songs marked by electronic disruptions, blending text, detuned pianos, musical quotations, and field recordings.
She is the author of several works on philosophy and sound arts, including: Musique et Philosophie au XXe siècle: Entendre et faire entendre (Classiques Garnier, 2015), The Most Beautiful Ugly Sound in the World: Listening to Noise, with Catherine Guesde (MF, 2018), Le Voile de Pythagore (Classiques Garnier, 2021), and L’écho du réel (Mimésis, 2021).