Taire ses désaccords pour ne pas gâcher la fête, s’accommoder des différends politiques le temps d’un repas, garder le silence pour ne pas compromettre le secret que l’on nous a confié, accepter d’aller contre ses convictions pour accroître le chiffre de fin d’année en entreprise... Nous sentons bien que, parfois, nous trichons avec nous-même sans pouvoir faire autrement. Toutes ces situations sont ainsi posées comme des dilemmes intérieurs qui suscitent en nous la frustration, mais ne sont-elles pas aussi le signe que nous sommes vivants, en prise avec les tensions inhérentes à toute vie ? Car nos vies sont faites de doutes, de questionnements, de revirements. Ces situations manifestent l’impossibilité de se tenir définitivement dans la même position, alors que nous y sommes constamment enjoints et s’opposent à la linéarité que l’on voudrait donner à nos vies. Elles ouvrent en tous les cas sur une éthique de l’intenable. Car l’intenable nous pose une question simple et radicale : « à quoi tenons-nous ? » Qu’il s’agisse des grands débats éthiques, du soin, de la vulnérabilité mais aussi de la manière de s’engager dans le débat politique, climatique, ou bien d’envisager la vie spirituelle, l’intenable permet de penser la tension à l’œuvre et de l’assumer, radicalement. L’auteur propose plutôt d’habiter la brèche, un art de se tenir en équilibre dans l’existence. Nous vivons écartelés entre des tensions biographiques. Il ne nous reste qu’une posture d’équilibriste qui cherche son assiette dans les grands écarts de nos vies.

Silence disagreements so as not to spoil the party, accommodate political differences for a meal, remain silent so as not to compromise the secret we have been entrusted, agree to go against his convictions to increase the year-end figure in business... We feel that sometimes we cheat with ourselves without being able to do otherwise. All these situations are thus posed as inner dilemmas that cause frustration in us, but are they not also the sign that we are alive, in contact with the tensions inherent in all life? Because our lives are made up of doubts, questions, reversals. These situations manifest the impossibility of standing definitively in the same position, while we are constantly enjoined and oppose the linearity that we would like to give to our lives. They open in any case on an ethic of the untenable. Because the untenable asks us a simple and radical question: "What do we care?" Whether it is the great ethical debates, the care, the vulnerability but also the way to engage in the political debate, climate, or to consider the spiritual life, the untenable allows to think about the tension at work and to assume it, radically. Instead, the author proposes to inhabit the breach, an art of balance in existence. We live torn between biographical tensions. All we have left is a balancing posture that seeks its plate in the great gaps of our lives.